Et pourquoi les dirigeants socialistes multiplient-ils les cadeaux de ce type en faveur du patronat ? C'est, au fond, le vrai mystère.
A défaut d'être conforme à ses engagements de campagne, la politique économique de François Hollande est frappée d'une incontestable - et désespérante - cohérence. Après que la réforme fiscale eut été enterrée, la promesse aux ouvriers de Florange, trahie, la loi de séparation des activités bancaires, torpillée, l'austérité budgétaire et salariale, prolongée, que croyait-on en effet qu'il puisse advenir d'une autre promesse emblématique, celle d'un encadrement des rémunérations patronales ? Eh bien, oui ! Elle aussi a été oubliée. Triste mais presque prévisible...
Triste parce que, si les années récentes ont apporté une leçon, c'est assurément celle-ci : les grands chefs d'entreprise français sont radicalement incapables de pratiquer l'autorégulation. Mille fois, les deux grandes associations du monde patronal que sont le Medef et l'Afep l'ont pourtant répété : nul besoin de légiférer en ce domaine, l'autodiscipline finira par produire ses effets ! Et longtemps les gouvernements les ont crues, ou ont fait mine de les croire, les félicitant périodiquement pour les codes de bonne conduite qu'elles adoptaient.
Pourtant, ces codes de bonne conduite Afep-Medef n'ont jamais produit d'effets ou se sont révélés beaucoup trop laxistes. Avec, au bout du compte, le résultat que l'on sait : même quand la grande crise a commencé, à partir de 2007, même quand elle a poussé le pouvoir d'achat vers le bas et le chômage vers le haut, les rémunérations des grands patrons sont restées, elles, outrageusement élevées. Pis que cela, elles n'ont cessé de s'envoler.
Les chiffres sont sur la table et nul ne les conteste. Le montant annuel moyen des rémunérations des dirigeants du CAC 40 n'a ainsi cessé de progresser tout au long des années 2000, pour atteindre 1,91 million d'euros en 2008, puis 1,98 million en 2009. En 2010, alors que la crise redouble, c'est un nouveau record qui est atteint, à 2,46 millions d'euros, avant 2,42 millions en 2011 et 2,32 millions en 2012.
Et encore, ces chiffres ne prennent-ils en compte que les rémunérations fixes et variables, et pas les revenus liés aux stock-options, aux retraites chapeau et autres compléments de revenus. Car, dans ce cas, selon le cabinet Proxinvest, le revenu moyen des mêmes PDG a atteint 4,2 millions d'euros en 2011, en hausse de 4 % sur l'année précédente.
Chiffres mirobolants qui attestent que l'autorégulation ne fonctionne pas et qu'il n'y a en vérité qu'une seule limite à l'appétit des «goinfres», comme les avait appelés un jour un chroniqueur économique : celle que la loi peut fixer. Durant la campagne présidentielle, la proposition de François Hollande - il s'agissait de la 26e, dans sa plate-forme - avait donc été bien accueillie, puisqu'elle visait à fixer «un écart maximal de rémunérations de 1 à 20» dans les entreprises publiques. Et pour les entreprises privées, si le candidat socialiste n'avait pas chiffré son engagement, il avait plaidé aussi pour que l'Etat fixe de nouvelles règles du jeu, plus contraignantes.
Présentant le décret qui limite à 450 000 $ la rémunération annuelle des patrons des entreprises publiques, Pierre Moscovici avait donc annoncé, dès le 26 juillet 2012, que les patrons du privé seraient, eux aussi, mis au pas. «Une loi régulera, voire prohibera certaines pratiques qui nous semblent excessives», avait-il prévenu. Et Jean-Marc Ayrault lui avait emboîté le pas, citant la Suisse en exemple pour ses pratiques d'encadrement.
Las ! On sait donc ce qu'il en est advenu : comme tant d'autres promesses de François Hollande, elle a été bafouée. D'abord, la règle fixée pour les entreprises publiques n'est pas respectée partout - et notamment pas à EDF. Ensuite, dans des entreprises où l'Etat est l'actionnaire principal, l'appétit patronal continue d'être presque sans limites : c'est, par exemple, le cas chez Renault, avec Carlos Ghosn, le patron boulimique.
Mais, surtout, pour le privé, l'histoire vient de s'achever par une pantalonnade puisque Pierre Moscovici vient d'annoncer dans les Echos qu'il «n'y aura pas de projet de loi spécifique sur la gouvernance des entreprises» et qu'il s'en remettra aux grands patrons pour qu'ils adoptent - ben, voyons ! - une «autorégulation exigeante». L'histoire est d'autant plus consternante que, dans le même temps, la réforme de la taxe à 75 % est partie aussi en quenouille. Le prélèvement exceptionnel sera donc payé non plus par les PDG mais par leurs entreprises.
Voilà donc l'épilogue : adieu, le plafonnement des rémunérations ! Adieu aussi, la taxe à la charge des chefs d'entreprise ! Les grands patrons peuvent donc dire un grand merci aux socialistes : avec eux, c'est le beurre et l'argent du beurre. Inespéré !
Et pourquoi les dirigeants socialistes multiplient-ils les cadeaux de ce type en faveur du patronat ? C'est, au fond, le vrai mystère. Car, depuis un an, du maintien de la «niche Copé» jusqu'au «choc de compétitivité», en passant par l'abandon de la réforme de la taxation des plus-values de cession et maintenant le non-plafonnement des rémunérations patronales, le gouvernement sait qu'il n'obtiendra rien en retour. Il désespère son propre camp mais ne bénéficiera d'aucune sollicitude du camp d'en face. Les ingrats...
Source : Marianne
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Il est évident pour nous que Huillard, Coppey et toute leur clique font partie des "goinfres", en plus d'être des profiteurs.
SUD ASF Brive